"Pour réformer la France, il faut refonder un pacte entre l'État et les territoires".
La France subit une crise de confiance depuis de nombreuses années. Cette crise s’illustre notamment par le ressentiment quasi permanent des Français envers les institutions publiques et, injustement, envers ses élus. Nous en avons tout particulièrement l’exemple depuis quelques jours. S’il ne m’appartient pas de commenter les raisons de l’application de l’article 49-3 de notre Constitution pour adopter l’essentielle réforme des retraites, il ne s’agit in fine que de l’application d’une disposition de notre loi fondamentale, la règle du jeu commune que le peuple français a choisi démocratiquement en 1958.
Quand le Général de Gaulle a fait le choix assumé du parlementarisme rationalisé, c’est justement pour protéger la France de son penchant naturel à l’instabilité politique.
Si les images récentes viennent justement légitimer notre Constitution actuelle, nul ne peut contester qu’il y ait une crise de notre modèle. Faute de se réformer et de s’adapter, notre modèle n’est plus efficace.
Par exemple, la fin du cumul des mandats de nos parlementaires ne s’est pas accompagnée d’une décentralisation puissante afin que l’échelon local puisse agir en liberté dans le respect du principe de subsidiarité et l’échelon national se concentrer sur ses compétences. A vouloir trop faire, même en déléguant, même en contrôlant, on ne fait plus bien. Le général de Gaulle l’avait d’ailleurs compris lorsqu’il souhaita lancer la régionalisation.
Dans un tel contexte, le Président de la République souhaiterait ces prochains mois relancer la question de la réforme des institutions. Le rapport annuel de 2023 de la Cour des comptes publié la semaine dernière a lancé un appel solennel à l’État : il faut finir la décentralisation et rationaliser les compétences de chaque collectivité. Avec une stratégie claire pour arrêter de faire doublons et redonner de l’agilité à la puissance publique locale et nationale.
Le constat est sans appel : notre pays est peu décentralisé. Et quand il le fait, il le fait mal ! Pourtant la décentralisation n’est plus une option si l’Etat veut se concentrer sur l’essentiel et être efficace dans la compétition internationale.
Comment davantage soutenir les talents de demain ? En redonnant de l’oxygène à l’investissement public et privé par les territoires.
Comment répondre au plus près aux enjeux de santé et de transition écologique ? En confiant aux collectivités l’autorité fonctionnelle sur les services déconcentrés de l’État.
Comment soutenir la croissance en France sur des zones pertinentes ? En responsabilisant tous les acteurs publics avec des contrats de territoires entre intercommunalités, des joint venture territoriaux sur les grands projets structurants qui dépasseraient l’échelle d’une seule collectivité.
Les entreprises ont compris depuis longtemps qu’il fallait arrêter le fonctionnement centralisé. Qu’il fallait développer des partenariats différents selon les marchés. Qu’il fallait tout simplement s’adapter à chaque territoire et à chaque public.
Les entreprises ont également une culture collective du résultat qui doit aussi exister dans l’action publique. A l’échelle d’une commune le Maire ne peut pas être le seul responsable de ses politiques publiques. Idem à l’échelle du pays. Toute réforme des institutions ne marchera qu’avec l’émergence d’un spoil system dans nos institutions, permettant enfin un retour de l’engagement public.
Il n’y aura pas de grand soir de la décentralisation sans réforme de toutes nos institutions. Mais est-on prêt collectivement à ce grand saut ? L’Etat est-il prêt à faire confiance sans surcontrôler ? Les territoires sont-ils prêts assumer sans se cacher ? Les prochains mois nous le diront.
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