L’eau doit devenir la grande cause nationale française de la prochaine décennie
Le plan eau annoncé par le Chef de l’Etat ne doit pas être un aboutissement mais le véritable point de départ d’un changement du modèle français.
Mais face à l’urgence, nous devons dès à présent réfléchir à un acte 2 du plan eau pour transformer rapidement le modèle français.
Avant toute chose, en tant que bien d’intérêt national, il faut une vraie politique étatique de régulation tarifaire à l’échelle nationale. Ce n’est pas le rôle des autorités organisatrices de l'eau d’en fixer le prix. Tout le monde veut être animateur de la politique de l’eau. Il est temps surtout de trouver des acteurs, d’avoir une gouvernance adaptée et des chefs de file identifiés.
La création des agences de l’eau en 1964 était une idée avant-gardiste : structurer la gestion de l’eau à l’échelle des bassins versants. Elles doivent désormais être réformées afin d’associer davantage les collectivités territoriales et les entreprises des bassins de vie concernés.
Pour aller plus loin, l’acte 2 du plan eau doit passer par une adaptation de notre carte territoriale : chaque intercommunalité devrait avoir son périmètre géographique établi sur un bassin versant, qui est souvent la source du bassin de vie. L’eau et l’assainissement devrait également être une compétence obligatoire des intercommunalités qui sont les mieux à même d’agir en complémentarité de l’État.
Le plan eau annoncé par le Président de la République a aussi pour objectif d’investir dans la recherche et dans l’innovation. Enfin ! Elles sont essentielles pour réduire la surexploitation des ressources en eau douce et mieux répartir l’eau dans nos activités.
Sur ce point, le retard que la France doit rattraper est impressionnant. L’exemple de l’utilisation des eaux usées en est la meilleure illustration. Cette innovation est essentielle pour compenser notre déficit hydrique, notamment dans l’agriculture. La France prend à peine ce tournant alors que des états comme l’Espagne sont déjà à la pointe.
L’innovation est aussi la clef de notre future indépendance en eau et de notre souveraineté nationale. 75% de l’eau potable en Israël est actuellement produite depuis des usines de dessalement d’eau de mer. La France en est loin.
Mais il n’y a pas de place au fatalisme tellement l’enjeu est grand. Seule solution pour la France : faire le choix du partenariat entre le public et le privé en créant des filières d’excellences créatrices des innovations de demain. L’Etat doit pour cela lancer un grand plan de création de pôles de compétitivité dédiés à l’eau sur l’ensemble du territoire.
Dans les prochaines années, un territoire ne sera pas jugé uniquement sur son attractivité économique. Son attractivité dépendra aussi de sa capacité à gérer cette ressource vitale. Tout d’abord, en s’assurant de la disponibilité de l’eau sur ce territoire lorsque la prochaine décennie verra la moitié des régions du monde devoir vivre sans eau. Ensuite, en sécurisant son approvisionnement sur le territoire concerné, ainsi que le stockage de cet or bleu qui deviendra une ressource aussi chère que le pétrole.
Depuis un siècle, l’humanité a multiplié par sept les quantités d’eau qu’elle a prélevées, et par près de six celles qu’elle a consommées. Il faut donc prendre en compte un potentiel changement de paradigme : il n’est pas improbable que l’eau devienne plus chère que l’or. Mais là où l’or est une matière inaltérable, la conservation de l’eau doit être surveillée en permanence. Et là où l’or n’est pas nécessaire à la vie, aucune vie ne peut se faire sans eau.
L’évolution sémantique est importante : l’eau ne doit plus désormais être perçu comme un simple liquide. Il faut que chacun comprenne qu’actionner un robinet chez soi sera peut-être un jour aussi précieux, voir davantage rare, que d’avoir une pompe à essence dans son garage.
Sur ce point, un changement des mentalités est une absolue nécessité. La France doit mettre en place un grand plan de formations dès le plus jeune âge aux gestes qui permettent d’épargner cette ressource. Si l’accès à l’eau potable est un droit, son utilisation juste et réfléchie doit être devoir.
Ce sujet est à la croisée des défis écologiques, sociaux et économiques. Des mesures fiscales incitatives pour les entreprises doivent être mises en place pour celles qui souhaitent former leur personnel ou adapter leur outil de production.
Enfin, la France, par sa position stratégique sur le globe, peut jouer un rôle essentiel sur la question de l’eau à l’échelle internationale. Sujet géopolitique majeure, elle est un élément de prospective qui sera décisif dans les années à venir. L’eau peut aussi être un des nouveaux axes de la politique internationale de la France : une véritable politique francophone de l’eau permettrait de redonner un souffle nouveau à notre politique de développement.
Mais pour cela, il faut déjà être exemplaire chez nous.
C’est pour toutes ces raisons que, pour les Français, et pour la France, l’eau doit devenir la grande cause nationale de la prochaine décennie.
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